Le sensationnalisme médiatique, le pouvoir patronal et l'éruption de la grippe porcine

Publié le par Adriana Evangelizt




Le sensationnalisme médiatique, le pouvoir patronal et l'éruption de la grippe porcine


Par Alex Lantier



La façon dont est traitée l’éruption de grippe porcine souligne à quel point il est difficile, dans le contexte politique actuel, de séparer la science médicale des intérêts de la grande entreprise et des programmes politiques des gouvernements qui les représentent. Cette question a été traitée de manière sensationnelle et confuse, au détriment d’une réaction rationnelle à la menace de santé publique posée par la grippe porcine.


Les médias et les autorités publiques, particulièrement aux Etats-Unis, font subir depuis plus d’une semaine à la population une couverture incessante sur l’épidémie de grippe porcine. Mais malgré les heures de reportages télévisés et les pages de commentaires dans les journaux, peu de lumière a été faite sur la nature du virus ou les conditions de pauvreté et de détérioration des infrastructures sociales qui jouent un rôle majeur sur le nombre de victimes qu’une telle éruption de grippe pourrait entraîner, advenant le cas d’une pandémie mondiale.


Le 30 avril, les médias ont rapporté que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’apprêtait fort probablement à annoncer une pandémie de grippe porcine de niveau six, soit le niveau le plus élevé sur l’échelle de l’OMS. La directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, a déclaré, « C’est l’ensemble de l’humanité qui est menacée durant une pandémie. »


L’OMS a cependant affirmé peu de temps après qu’elle allait continuer d’utiliser le terme « pandémie » même s’il « s’avère que le nouveau virus ne cause essentiellement que des symptômes bénins ».


Actuellement, l’éruption de grippe porcine ne semble pas à la veille de menacer l’ensemble de l’humanité. Le décompte officiel de l’OMS affichait hier 787 cas confirmés de grippe porcine chez l’humain, dont 506 au Mexique, où est initialement apparue la maladie.


Le gouvernement mexicain a réduit son décompte de décès liés à la grippe porcine, le faisant passer de 176 à 100, desquels 19 cas ont été « confirmés ». Le seul cas de décès de grippe porcine à l’extérieur du Mexique jusqu’à maintenant est celui d’un bambin mexicain, qui est décédé après son arrivée aux Etats-Unis. 


L’évocation de pandémie, sans explication sérieuse du sens scientifique de ce concept, a créé une atmosphère publique de crainte. Depuis le 11-Septembre, les médias américains et le gouvernement, tout particulièrement, ont adopté les campagnes de peur comme tactique pour alimenter les craintes et désorienter politiquement la population, pour ensuite exploiter ce climat afin de justifier une politique étrangère militariste et des attaques sur les droits démocratiques.


Des reportages ont expliqué la signification d’une pandémie en faisant référence à la peste noire qui avait dévasté le tiers de la population de l’Europe au 14e siècle, ou à l’épidémie de grippe de 1918 qui avait tué de 30 à 50 millions de personnes à travers le monde. En réalité, la grippe porcine a jusqu’à maintenant causé beaucoup moins de morts que la grippe saisonnière normale.


Le risque d’une épidémie plus large de grippe porcine ne peut être rejeté, mais actuellement sa propagation diminue et ceux qui sont infectés ont des symptômes plus faibles. Sa transmission des porcs à l’homme, et entre les humains, provoque des inquiétudes chez les scientifiques qu’elle puisse avoir la structure génétique, possiblement après mutation, pouvant déclencher une épidémie plus importante. Sa propagation entre humains pourrait entraîner de nouvelles mutations qui pourraient rendre le virus plus ou moins dangereux pour l’homme.


Les biologistes ont fait remarquer que l’épidémie de 1918 avait commencé par une première vague peu importante qui, avec le début de la saison normale de grippe à l’automne, avait pris une forme beaucoup plus virulente et mortelle.


Les références des médias à l’épidémie de 1918 portent cependant à confusion, étant donné qu’elles font abstraction du contexte historique qui y est rattachée. Plusieurs des outils essentiels d’une réponse contemporaine à une épidémie de grippe, soit des médicaments antiviraux, l’analyse de l’ADN, des réseaux internet de surveillance, étaient inconnus en 1918, lorsque l’hygiène moderne était largement inaccessible même aux masses populaires des pays riches. De subséquentes éruptions de grippe ont causé beaucoup moins de morts : 2 millions en 1957 et de 1 à 3 millions à travers le monde en 1968 par rapport à entre 250 000 et 500 000 en moyenne par saison de grippe.


L’influenza peut être contrée en déployant promptement les ressources médicales et le personnel afin d’isoler et traiter l’éruption initiale avant qu’elle ne devienne une pandémie mondiale.


Les plus grands obstacles à cela ne sont pas techniques, mais sont plutôt les contradictions sociales du capitalisme mondial : la pauvreté et le manque d’établissements médicaux dans de grandes parties de la planète, l’influence politique des grandes compagnies, incluant les firmes pharmaceutiques géantes, la division du monde en Etats-nations compétitifs et les programmes réactionnaires des politiciens bourgeois.


L’état physique de la classe ouvrière elle-même est une question majeure. Plusieurs millions de travailleurs n’ont pas accès à un régime alimentaire sain, à un logement salubre et à un sommeil adéquat qui sont tous requis pour maintenir un système immunitaire en santé. De telles questions ne sont cependant presque jamais abordées dans les commentaires médiatiques ou dans les déclarations des gouvernements.


La présente épidémie a débuté à la fin mars dans une petite ville mexicaine, La Gloria, qui est le site de Granjas Carroll, une ferme industrielle porcine qui est en grande partie détenue par des intérêts américains, Smithfield Foods. Même après que l’épidémie de grippe ait débuté, les responsables mexicains ont menacé et arrêté les habitants qui protestaient contre le lac à ciel ouvert de la ferme qui contenait des excréments de porcs et des produits toxiques qui menaçaient leur santé.


Plusieurs de ceux qui sont devenus malades étaient trop pauvres pour obtenir le traitement par des professionnels médicaux (le gouvernement mexicain avait reconnu qu’il était à court de personnel dans cette région). Ils arrivaient à l’hôpital avec une pneumonie sévère, rendant le traitement antiviral inefficace.


Lors de l’émission « Meet the press » de NBC hier, on a demandé à la secrétaire à la Santé et aux services sociaux, Kathleen Sebelius, la secrétaire du département de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano et le directeur par intérim des centres américains pour le contrôle de la maladie, Dr Richard Besser, pourquoi le taux de mortalité était beaucoup plus élevé au Mexique qu’aux Etats-Unis. Aucun des responsables n’a mentionné la pauvreté ou le manque d’accès aux soins médicaux comme étant des facteurs dans les morts reliés à la grippe porcine au Mexique.


Autre manifestation du rôle destructif du pouvoir de la grande entreprise, les pressions de l’industrie du porc sur l’OMS et le gouvernement américain ont réussi à changer le nom de la grippe porcine. La façon dont les autorités ont répondu, presque immédiatement, aux exigences des demandes de la grande entreprise est une indication de la subordination de toute considération sociale au profit privé.


La réponse à la grippe porcine aux Etats-Unis a montré comment le déclin des conditions sociales représente un danger important dans le cas d’une épidémie sérieuse. Les officiels du gouvernement ont donné le conseil aux Américains de consulter leur médecin dans le cas où ils auraient les symptômes d’une grippe, sans tenir compte du fait qu’ils sont à la tête d’un pays — « le pays le plus riche au monde » — dans lequel 47 millions de personnes, soit le sixième de la population, n’ont pas d’assurance médicale.


Dans de telles conditions, il n’est pas surprenant que plusieurs villes américaines aient rapporté que leurs urgences avaient été débordées parce que beaucoup craignant avoir la grippe n’avaient pas de médecin personnel.


Certaines autorités du niveau local ont réagi en instaurant des mesures de panique qui n’ont réussi qu’à augmenter inutilement l’appréhension de la population et à lui imposer des frais supplémentaires alors qu’elle est déjà lourdement grevée par la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression. Toutes les écoles de Fort Worth ont été fermées, 80 000 enfants devant demeurer à la maison, alors que le gouverneur du Texas Rick Perry critiquait « la certaine quantité de sensationnalisme dans les médias » sur la question de la grippe porcine.


Des officiels américains ont exigé que les familles commencent à se préparer pour faire face à une fermeture prolongée des écoles, ceci dans un pays qui n’offre aucun congé payé pour les urgences médicales familiales.


La réponse du gouvernement américain à la grippe porcine reflète l’immense croissance de l’influence politique de l’appareil de sécurité de l’armée et vient en fait la renforcer encore plus. L’opinion publique est conditionnée à considérer toute urgence, y compris la grippe, comme une menace à la « sécurité nationale » qui serait liée, par implication, à la « guerre au terrorisme ».


Ainsi Napolitano, un avocat sans expérience du monde médical, est amené à l’avant-plan en tant que principal porte-parole de l’administration Obama sur les questions de la crise. L’administration Obama aurait prétendument fait siens les plans de la précédente administration Bush sur les pandémies, des plans qui prévoyaient que l’armée devait mettre en quarantaine des sections entières des Etats-Unis.


Les politiciens et les médias américains ont à maintes reprises avancé des propositions réactionnaires, proposant de fermer la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, même si des responsables de la santé publique ont plusieurs fois affirmé que de telles mesures ne contribueraient en rien à empêcher la propagation de la maladie. De telles propositions ont pour but d’élargir les préjugés et la xénophobie anti-mexicains.


Tout ceci ne fait que montrer les immenses contradictions entre les capacités techniques de l’humanité à faire face à une crise de santé publique et les priorités sociales et intérêts de classe qui existent sous le système capitaliste.


SourcesWSWS

Posté par Adriana Evangelizt

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