Le message des dinosaures

Publié le par Adriana Evangelizt

Le message des dinosaures

Par Eric Buffetaut


Tableau de Joe Tucciarone

 

Les premiers dinosaures apparaissent au Trias supérieur, il y a environ 230 millions d’années, et le groupe s’éteint à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années.

L’extinction des dinosaures apparaît aujourd’hui bien plus comme un accident, la conséquence d’une catastrophe imprévisible, que comme l’issue inévitable d’une évolution ayant produit des êtres incapables de s’adapter aux changements du milieu..


1°) Introduction

Les
dinosaures sont bien établis, et cela depuis des décennies, dans le rôle des plus célèbres des animaux disparus, les plus connus du grand public, au point d’avoir envahi les médias les plus divers, du cinéma à la publicité. Le paléontologue spécialiste de ces animaux ne peut pas vraiment se plaindre de cet engouement durable, dont les retombées sur son travail sont dans l’ensemble positives. L’image qui en est proposée au public est pourtant confuse, voire contradictoire : les dinosaures sont, suivant les cas, soit des « monstres » propres à succéder aux dragons dans l’inconscient collectif, soit des animaux exotiques dont le comportement social et parental (ô combien hypothétique !) se prête à des documentaires en images de synthèse qui frôlent parfois la mièvrerie. Il n’est donc pas inutile de rappeler ce que peut nous enseigner l’étude scientifique des dinosaures, au-delà même de l’inventaire des espèces, qui est bien sûr loin d’être achevé, et réserve encore des découvertes étonnantes ou spectaculaires. Car les messages des dinosaures sont multiples, et au-delà de leur propre nature, nous parlent aussi du monde dans lequel ils vivaient, celui du Mésozoïque, à la fois proche du nôtre et très éloigné de lui.


Les principales divisions des temps géologiques depuis le début du Paléozoïque, époque à partir de laquelle les fossiles deviennent abondants. Les flèches rouges marquent les grandes extinctions en masse. Les dinosaures ont vécu depuis le Trias jusqu'à la fin du Crétacé, qui est marquée par l'impact d'une énorme météorite. La catastrophe provoquée par cet impact est responsable de la disparition des dinosaures.

Les premiers dinosaures apparaissent au Trias supérieur, il y a environ 230 millions d’années, et le groupe s’éteint (non sans laisser des descendants, toutefois) à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années. L’histoire des dinosaures couvre donc la plus grande partie de l’ère mésozoïque, avec ses trois périodes, Trias (250 – 200 millions d’années), Jurassique (200 – 130 millions d’années) et Crétacé (130 – 65 millions d’années).

Contrairement à ce que l’on a pu croire pendant une bonne partie du XXe siècle, cette longue histoire n’est pas celle d’un échec, d’un « triomphe de la vie végétative » ayant abouti à un cul-de-sac évolutif. L’extinction des dinosaures apparaît aujourd’hui bien plus comme un accident, la conséquence d’une catastrophe imprévisible, que comme l’issue inévitable d’une évolution ayant produit des êtres incapables de s’adapter aux changements du milieu..

Au-delà des détails de leur évolution, que les paléontologues s’attachent à reconstituer depuis près de 150 ans, ce sont les raisons du succès des dinosaures – et aussi celles de leur fin – qui méritent notre attention, parce qu’elles ne peuvent être comprises que dans le cadre plus vaste du monde mésozoïque. A cet égard, l’étude des dinosaures débouche sur celle de nombreux problèmes qui débordent le strict domaine de la paléontologie.

2°) Les raisons d’un succès

Si l’histoire des
dinosaures peut être vue comme celle d’un succès évolutif, les portant à une position « dominante » au sein des écosystèmes continentaux du Mésozoïque, il reste à s’interroger sur les raisons de cette réussite.

Le monde du Trias supérieur n’est pas le nôtre géographiquement. Les continents sont encore réunis en une masse unique, la Pangée, ce qui facilitera la dispersion des dinosaures sur toutes les terres émergées. Il est impossible de dire où sont apparus les premiers dinosaures, mais à la fin du Trias on rencontre des animaux assez semblables de l’Asie du Sud-Est à l’Amérique du Sud, en passant par l’Europe centrale et l’Amérique du Nord. Une telle configuration géographique a dû favoriser l’expansion des dinosaures, mais ne suffit pas à expliquer leur succès.

Dans une optique darwiniste, ce dernier devrait tenir à une certaine supériorité par rapport à d’autres groupes animaux contemporains, la sélection naturelle ayant alors favorisé les dinosaures. Un aspect souvent évoqué concerne l’appareil locomoteur : les dinosaures n’étaient pas des reptiles « rampants ».

Début du Trias (237 Ma) - Copyright Professeur Bourque - Universite Ulaval - Canada

Comme l’indique leur anatomie, leurs membres redressés maintenaient le tronc soulevé au-dessus du sol, permettant ainsi une locomotion plus efficace que la reptation chez des animaux de grande taille. La plupart des autres reptiles du Trias étaient moins « avancés » à cet égard, avec des membres moins verticaux, et peuvent avoir souffert de ce fait d’un désavantage sélectif vis à vis des dinosaures. Mais la supériorité relative des dinosaures ne tient par forcément à ce seul point. D’autres raisons peuvent avoir joué un rôle. Depuis une trentaine d’années se poursuit une controverse sur la physiologie des dinosaures : étaient-ils des animaux à température interne variable en fonction du milieu, comme le sont les reptiles d’aujourd’hui, ou leur métabolisme leur permettait-il de maintenir une température stable, comme c’est le cas chez les oiseaux et les mammifères ?

Reconstituer la physiologie d’êtres disparus, à partir des seuls
fossiles qu’ils nous ont laissés, n’est pas simple. En dépit d’arguments tirés de l’anatomie, de l’histologie, de l’ichnologie, la controverse sur les « dinosaures à sang chaud » n’est pas encore parvenue à son terme, même si aujourd’hui on ne peut plus guère croire qu’ils aient été simplement des versions agrandies d’un lézard ou d’un crocodile. Tout porte à croire que les dinosaures n’étaient pas simplement des « animaux à sang froid », mais les détails de leur métabolisme, qui pourrait bien ne plus avoir d’équivalent exact dans la nature actuelle, restent à préciser. Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que les conditions climatiques du Mésozoïque, période « chaude » sans calottes glaciaires aux pôles, étaient sensiblement différentes de celles d’aujourd’hui, et que c’est dans cet environnement que s’est déroulée l’évolution physiologique des dinosaures.

Il n’en reste pas moins qu’en même temps que les dinosaures est apparu un autre groupe de vertébrés promis à un grand avenir, à savoir les mammifères. Pendant plus de 150 millions d’années, les deux groupes ont évolué côte à côte, les dinosaures dans le rôle des vertébrés « dominants » sur les continents, les mammifères de façon plus discrète, sans jamais atteindre une grande taille et en se diversifiant de façon modérée, jusqu’à ce que la disparition des premiers vienne laisser le champ libre aux seconds il y a 65 millions d’années. Peut-être l’expansion des dinosaures a-t-elle bridé celle des mammifères, mais les raisons profondes du phénomène restent à découvrir.

3°) Dans le monde du Mésozoïque

Le succès des dinosaures est-il d’ailleurs bien dû à une supériorité biologique intrinsèque ? Le hasard n’a-t-il pas joué un rôle déterminant dans leur expansion ? La question se pose dans la mesure où la fin du Trias est marquée par une « extinction en masse », une de ces grandes crises qui voient la disparition simultanée (apparemment au moins) de nombreuses espèces vivant dans des milieux bien différents.

Les dinosaures ont survécu à cette crise, mais nombre d’autres groupes de reptiles y ont succombé. Le succès des dinosaures à partir du début du
Jurassique serait-il dû à l’élimination de leurs concurrents plutôt qu’à une quelconque supériorité ? On peut d’abord dire que l’aptitude à survivre à une extinction en masse est aussi, d’un point de vue darwinien, une forme de supériorité. Les causes de la grande extinction de la fin du Trias restent obscures.

Les effets d’un impact météoritique ont récemment été évoqués : des phénomènes similaires, l’un à la fin du Trias, l’autre à la fin du Crétacé, auraient ainsi d’abord favorisé l’expansion des dinosaures (en éliminant des concurrents), puis provoqué leur disparition. Cette hypothèse intéressante reste fragile, faute de preuves décisives de cet impact. En outre, il serait abusif de faire remonter au Jurassique les débuts de l’expansion des dinosaures. Dès la fin du Trias, ils avaient connu une importante diversification, résultant entre autres en l’apparition de carnivores et d’herbivores, et des formes géantes existaient déjà, comme l’a montré la découverte récente de grands sauropodes triasiques en Thaïlande (Fig.1). Le rapide succès des dinosaures est bien établi, ses causes (biologiques ou environnementales) restent à élucider.


Fig.1 : Les dinosaures ont atteint une taille gigantesque très tôt dans leur évolution, comme en témoigne cet humérus trouvé dans le Trias supérieur de Thaïlande (environ 210 millions d’années), qui a appartenu à un sauropode atteignant peut-être 15 mètres de longueur. L’auteur donne l’échelle…



Le cours de l’évolution des dinosaures s’inscrit dans celui de l’histoire de la Terre. Au cours du Mésozoïque, la géographie de la planète change radicalement, la Pangée du Trias se disloquant sous l’effet de la tectonique des plaques, et les masses continentales s’écartant les unes des autres. Une des conséquences de ce phénomène de dérive est l’isolement graduel d’assemblages de dinosaures sur les différents continents qui s’individualisent.

Sur chaque bloc séparé, l’évolution suit son cours dans un isolement plus ou moins marqué. En outre, les variations du niveau des océans mènent alternativement à l’établissement de mers épicontinentales peu profondes, mais constituant des barrières aux migrations d’animaux terrestres, et à leur retrait – ce qui complique les contraintes biogéographiques pesant sur l’évolution. De la faune assez uniforme du Trias, on passe ainsi à une différenciation géographique de plus en plus poussée. A la fin du Jurassique, on constate encore des ressemblances assez étroites entre les dinosaures africains, européens, et nord-américains, car l’Océan Atlantique n’est pas encore ouvert. A cette époque, cependant, un bras de mer sépare l’Europe de l’Asie, où se développe une faune dinosaurienne particulière. Plus tard, vers le milieu du Crétacé, des liaisons terrestres entre l’Asie et l’Amérique du Nord au niveau de l’actuel détroit de Bering permettront de nouveau des échanges et des modifications sensibles de la composition des faunes. Dans un tel contexte paléogéographique changeant, l’histoire des assemblages de dinosaures entre la fin du Trias et celle du Crétacé se révèle complexe – et son étude particulièrement passionnante.

L’évolution des dinosaures ne se résume évidemment pas à un déterminisme géographique. Un des facteurs les moins compris est sans doute le climat. Comme on l’a vu, les dinosaures ne sont plus considérés comme des reptiles « comme les autres ». Si aujourd’hui les reptiles de grande taille – crocodiles, grands serpents et lézards, tortues géantes – sont confinés aux régions chaudes du globe par leur physiologie, rien ne permet d’affirmer qu’il en ait été de même des dinosaures. L’image traditionnelle de ces animaux vautrés dans des marécages tropicaux a vécu.

D’après les conceptions actuelles, les dinosaures (ou du moins certains d’entre eux) ne craignaient ni la sécheresse, ni la fraîcheur. Les climats du Mésozoïque n’étaient certes pas ceux d’aujourd’hui, dans la mesure surtout où il n’existait pas de calottes glaciaires aux pôles. Cela n’exclut pas une certaine différenciation climatique entre l’équateur et les régions arctiques et antarctiques. Un certain nombre de découvertes, au Spitzberg, en Alaska, en Sibérie, en Australie, en Antarctique, ont révélé la présence de dinosaures dans des régions qui au Mésozoïque se trouvaient au-delà du cercle polaire, ou à proximité (Fig.2).


Fig.2 : Les dinosaures ont habité les régions polaires au Mésozoïque, comme en témoigne par exemple cette empreinte de pas d’Iguanodon, trouvée dans le Crétacé inférieur (environ 120 millions d’années) du Spitzberg (à gauche ; Musée du Svalbard, Longyearbyen). Le Spitzberg, qui est aujourd’hui une terre au climat très froid (glacier de Longyear, à droite), se trouvait déjà à une haute latitude au Crétacé, mais les températures y étaient alors moins basses. Les dinosaures polaires n’en témoignent pas moins d’une aptitude à supporter des climats trop frais pour les reptiles d’aujourd’hui.

Les données paléoclimatiques, fondées notamment sur les plantes fossiles, indiquent que ces régions étaient certes moins froides qu’aujourd’hui, mais que le climat n’y était pas pour autant très chaud. Dans plusieurs de ces faunes polaires, les reptiles « à sang froid », tels que tortues et crocodiles, font défaut, mais les dinosaures sont bien présents.

La conclusion qui s’impose est que ces derniers étaient nettement assujettis aux climats chauds que les reptiles « classiques ». Cela suggère certainement un métabolisme plus proche de celui des « animaux à sang chaud », et témoigne de la faculté des dinosaures à coloniser pratiquement tous les milieux terrestres au Mésozoïque. Une des questions qui restent posées est celle de la nuit polaire : que faisaient les dinosaures arctiques et antarctiques lorsque le soleil disparaissait derrière l’horizon pour plusieurs mois ? Des migrations vers des latitudes plus basses constituent une possible réponse.

L’évolution des dinosaures ne saurait être conçue purement en termes d’adaptation au milieu abiotique. Les interactions avec d’autres êtres vivants ont nécessairement joué un rôle important. Nombre de dinosaures étaient herbivores, et les transformations du monde végétal au cours du Mésozoïque ont nécessairement eu des conséquences sur leur alimentation. Un des grands tournants dans cette histoire des plantes est sans conteste l’apparition des angiospermes (les plantes à fleurs) vers le début du Crétacé. Les premiers dinosaures ont vécu dans un univers végétal sensiblement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui, car dominé par les fougères, les cycas, les conifères et des plantes aujourd’hui disparues. A la fin du Crétacé, en revanche, la végétation avait pris une apparence plus familière, avec le développement des plantes à fleurs. Il est probable que ces changements eurent une influence sur l’évolution de certains types de dinosaures. L’expansion au cours du Crétacé de certains groupes pourvus d’un appareil masticateur évolué, comme les cératopsiens et surtout les hadrosaures, pourrait bien refléter des adaptations à de nouvelles ressources alimentaires végétales (Fig.3).


Fig.3 : Au cours du Crétacé se développent de nouveaux types de dinosaures, à l’appareil masticateur évolué, comme cet hadrosaure du Crétacé supérieur (environ 80 millions d’années) des environs de Trieste (Italie), qui possède des « batteries dentaires » permettant de broyer efficacement les végétaux. Il est possible que l’apparition et l’expansion de tels dinosaures soit lié au développement des angiospermes (plantes à fleurs) à partir du Crétacé inférieur.

Enfin, les dinosaures ont certainement influé sur leur propre évolution. Dans les milieux terrestres du Mésozoïque, les relations entre prédateurs et proies impliquaient largement des dinosaures carnivores et herbivores. Il n’est pas impossible que l’acquisition d’une grande (voire très grande) taille par certains dinosaures aient été liée à un phénomène dans lequel les proies (herbivores) tendent à grandir, ce qui les rend moins vulnérables, ce qui en retour provoque un accroissement de taille des prédateurs, qui doivent conserver leur efficacité. Dès la fin du Jurassique, il existait des sauropodes (herbivores) de plusieurs dizaines de mètres de long, pesant plusieurs dizaines de tonnes – et des théropodes (carnivores) atteignant dix mètres de longueur. Un autre aspect de cette « course aux armements » a pu être le développement d’adaptations défensives (cuirasses osseuses, cornes…) chez certaines formes herbivores. Beaucoup plus difficiles à cerner sont les évolutions du comportement qui ont dû se manifester au cours de l’histoire des dinosaures, même si certains indices existent, sous la forme de pistes ou de sites de ponte, qui peuvent révéler des comportements grégaires ou parentaux.

4°) La fin d’un monde et le début d’un autre

Les dinosaures, dans leur diversité, ne sont qu’un des aspects d’un monde mésozoïque qui ne nous est pas totalement étranger, mais qui n’est pas moins très différent du nôtre – combinaison qui explique sans doute en partie l’intérêt qu’il suscite dans le public. Son étrangeté tient largement au fait qu’il est séparé de notre monde – celui du Cénozoïque – par une extinction en masse, celle de la limite Crétacé-Tertiaire, qui a radicalement changé le visage du règne animal sur notre planète.


Fin du Crétacé (94Ma)- Copyright Professeur Bourque - Universite Ulaval -Canada

Après la catastrophe qui dévasta la Terre il y a 65 millions d’années, il ne subsistait plus sur les continents d’animaux pesant plus de 25 kilogrammes, alors que les faunes de la fin du Crétacé étaient dominées par des dinosaures dont certains atteignaient 15 mètres de longueur et pesaient plus de 10 tonnes. La disparition des dinosaures devait ouvrir le champ libre aux mammifères, restés dans l’ombre durant des dizaines de millions d’années, qui purent alors se diversifier de façon considérable, pour donner en quelques millions d’années un monde animal où nous reconnaissons les racines du nôtre, avec ses baleines et ses chauve-souris, ses éléphants et ses primates. Les raisons de cette grande coupure dans l’histoire du monde vivant ont fait couler beaucoup d’encre, et suscité bien des controverses, qui ne sont pas complètement éteintes.

Aujourd’hui, cependant, la mise en évidence d’un fait géologique rare mais indiscutable, à savoir l’impact d’un astéroïde, fournit une cause peu équivoque à l’extinction en masse de la limite Crétacé-Tertiaire. Le bolide d’une dizaine de kilomètres de diamètre qui frappa la Terre, au niveau de la péninsule du Yucatan, il y a 65 millions d’années, en libérant une énergie gigantesque, provoqua une catastrophe écologique mondiale qui fut fatale à un très grand nombre d’espèces, parmi lesquelles les dinosaures.

La cause principale des extinctions semble être la rupture de nombreuses chaînes alimentaires provoquée par une réduction drastique de la photosynthèse, elle-même due à l’obscurcissement de l’atmosphère par l’énorme quantité de matière pulvérisée projetée par l’impact. Les êtres vivants ne dépendant pas immédiatement de végétaux vivants pour leur alimentation (y compris nombre de mammifères et de petits reptiles insectivores) paraissent avoir beaucoup mieux résisté que les autres à une catastrophe d’une relativement courte durée, mais d’une intensité considérable. Les dinosaures ne paraissent donc avoir été victimes ni d’une lente détérioration du climat, ni de la compétition d’autres organismes, et encore moins d’une inadaptation chronique qui les aurait voués à l’extinction.

Tout porte à croire qu’une catastrophique cosmique est venue interrompre une histoire évolutive qui, sans elle, aurait pu se poursuivre suivant des voies que l’on ne peut qu’imaginer.

5°) Les dinosaures parmi nous

Mais l’évolution des dinosaures s’est-elle vraiment interrompue de façon définitive il y a 65 millions d’années, à la limite Crétacé-Tertiaire ?

Dès les années 1860, certains paléontologues soupçonnèrent que les dinosaures ne s’étaient pas éteints sans descendance, mais ce n’est que depuis quelques années que cette opinion a pu s’imposer, à la faveur de découvertes paléontologiques remarquables.

Tout porte à croire, en effet, que les oiseaux sont les descendants directs de certains dinosaures carnivores. Archaeopteryx, le plus ancien oiseau connu, qui remonte à la fin du
Jurassique (environ 140 millions d’années), porte dans son squelette maintes traces de cette ascendance dinosaurienne.

Depuis 1996, des
sédiments du Crétacé inférieur (environ 120 millions d’années) dans le Nord-Est de la Chine ont livré une série de spécimens de dinosaures remarquablement conservés, montrant non seulement le squelette, mais aussi les téguments qui recouvraient le corps, et l’évidence s’est imposée : certains dinosaures étaient couverts de plumes, des plumes qui dans certains cas sont identiques à celles des oiseaux actuels (Fig.4).


Fig.4 : Squelette et reconstitution de Caudipteryx, un « dinosaure à plumes » du Crétacé inférieur (environ 120 millions d’années) de Chine (Naturhistorisches Museum, Bâle, Suisse). La position systématique de cet animal, qui possède des plumes de type évolué, est discutée, certains y voyant un dinosaure, d’autre un oiseau primitif ayant perdu la faculté de voler. De tels êtres illustrent combien il est devenu difficile de tracer une frontière précise entre certains dinosaures et leurs descendants, les oiseaux.

Comme il est extrêmement improbable qu’un organe aussi complexe que la plume soit apparu indépendamment dans des groupes non apparentés, la filiation entre dinosaures et oiseaux peut être considérée comme confirmée – d’autant plus que certains de ces dinosaures étaient des formes grimpeuses, et capables de planer grâce précisément à leurs plumes. Même si ces animaux sont trop tardifs géologiquement pour être les ancêtres des oiseaux, ils nous renseignent sur les stades par lesquels ceux-ci sont probablement passés lorsque certains dinosaures s’engagèrent sur la voie du vol.

La place des dinosaures dans l’évolution des êtres vivants apparaît donc double : ils dominèrent les continents pendant plus de 150 millions d’années durant le
Mésozoïque, conférant à cette ère géologique une cachet particulier, qui nous la fait paraître bien différente de notre propre période, mais ils sont aussi à l’origine d’un des groupes de vertébrés actuels les plus divers et les plus familiers (et à cet égard n’ont donc pas vraiment disparu).

Les messages des dinosaures sont donc multiples.Ils nous invitent à découvrir un monde bien différent du nôtre, celui du Mésozoïque, qui a modelé leur évolution par le biais de ses géographies, ses climats, et ses organismes. Mais ce monde révolu, séparé de celui du Cénozoïque par une catastrophe cosmique, est aussi la source de celui dans lequel nous vivons.

Les dinosaures, à cet égard, illustrent à la fois la discontinuité qui nous sépare du passé lointain de la Terre, et la continuité qui nous y relie.

Sources Futura Sciences



Publié dans Animaux prehistoriques

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