La Terre en voie d'épuisement

Publié le par Adriana Evangelizt

La Terre en voie d'épuisement

par Etienne Dubuis


• Le WWF lance un cri d'alarme à l'occasion de la publication de son rapport bisannuel sur l'état de la planète: l'homme consomme plus que ce que produit la nature.
• La Suisse connaît une situation délicate: elle possède de moins en moins de ressources mais en dépense de plus en plus

Entre le 1er janvier et le 19 octobre derniers, l'humanité a ponctionné les ressources que la Terre mettra l'année 2006 entière à produire. Ce qui signifie, pour utiliser une métaphore bancaire, que tout ce qu'elle va consommer d'ici au 31 décembre ne sera plus pris sur les «intérêts» que génère la Nature mais sur son «capital»... et contribuera par conséquent à l'appauvrir. Le WWF a lancé mardi ce cri d'alarme tout autour du monde à l'occasion de la publication de son «Rapport Planète Vivante», un document bisannuel de référence, rédigé en collaboration avec la Zoological Society de Londres et le Global Footprint Network d'Oakland, en Californie.

L'outil qui permet une telle affirmation est l'«empreinte écologique». Cet indice, utilisé par le WWF depuis 1999, mesure la surface biologiquement productive de terre et de mer nécessaire à fabriquer les ressources que nous utilisons et à absorber les déchets que nous rejetons. En termes (de nouveau) économiques, il quantifie «la demande de l'humanité», ce qui permet de la comparer à l'«offre de la biosphère», soit aux biens mis à disposition par la Nature. Lorsque la demande est inférieure à l'offre, elle reste - au moins globalement - dans les limites du tolérable. Quand elle l'excède en revanche, elle met la Terre en danger à plus ou moins brève échéance.

Certes, un tel indice ne peut qu'être approximatif. Etant donné la très large et forcément laborieuse récolte de chiffres qu'il exige; vu les sources discutables (des statistiques officielles de dictatures) auxquelles il doit souvent recourir; et à cause des extrapolations qu'il suppose (l'énergie nucléaire est traduite en équivalent fossile). Mais il a l'avantage de la simplicité, donc de la clarté, et le mérite de dégager quelques grandes dynamiques.

Or, qu'apprend-on? Que l'«empreinte de l'humanité» a dépassé la «biocapacité globale» dans la seconde moitié des années 80 et qu'elle ne fait depuis que creuser l'écart. Alors que chaque être humain avait en principe droit en 2003 (dernière année retenue) à 1,8 hectare de surface productive, il en consommait en moyenne 2,2. En 2050, si les évolutions démographiques et économiques actuelles se confirment, l'humanité - avec ses 9 milliards de membres - consommera annuellement la production de deux planètes Terre.

Il existe sans surprise de grandes différences d'un pays à l'autre: l'indice passe de moins d'un demi-hectare en Afghanistan à près de 12 aux Emirats arabes unis. La Suisse, elle, occupe la 16e place mondiale avec 5,1 hectare, soit une surface 2,8 fois supérieure à celle à laquelle elle aurait normalement droit. Une mauvaise place due, selon Walter Vetterli, responsable «Alpes» au WWF Suisse, à deux évolutions négatives: une «empreinte écologique» en rapide augmentation et une «biocapacité» en diminution, «en raison de la dégradation des milieux et de l'urbanisation du pays» (lire ci-dessous).

En Suisse comme dans le monde, le problème exige une réaction rapide, assure le rapport. «La bonne nouvelle est que c'est possible», promet le directeur général du WWF International, James P. Leape. Comment? En s'attaquant aux cinq facteurs qui provoquent la «surexploitation globale»: la taille de la population, la consommation de biens et de services par personne, la quantité de ressources utilisées pour produire ces biens et ces services, la surface bioproductive et la bioproductivité par hectare. Il s'agirait d'influer à la fois sur la demande et sur l'offre, en réduisant (ou limitant) les trois premiers facteurs, qui causent l'«empreinte écologique», et en augmentant les deux autres, qui déterminent la «biocapacité».

Pas facile. Surtout si, comme l'affirme le rapport, l'objectif est «qu'une personne puisse vivre bien avec moins de la moitié de l'empreinte moyenne actuelle». A part Cuba (sic), aucun des pays bénéficiant d'un «développement humain» élevé selon les normes du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) n'a une empreinte écologique inférieure à 1,8 hectare. Et aucun des pays ayant une empreinte inférieure à 1,8 hectare ne présente un «développement humain» élevé. Bref, les deux critères restent à concilier.

Pour y parvenir, les auteurs du rapport proposent une liste de mesures concrètes. Ils parlent notamment de diviser par deux les pêches de poissons sauvages, de consommer nettement moins de produits d'origine animale (viande et lait) et, last but not least, de diminuer les émissions de CO2 de 50% d'ici au milieu du siècle. Une dernière mesure qui supposerait à elle seule «une combinaison de sept changements majeurs», dont «une réduction de la consommation en carburant de 2 milliards de voitures passant de 8 à 4 litres en moyenne aux 100 kilomètres, une multiplication par 50 de l'énergie éolienne et une augmentation de 700 de l'énergie solaire». Et ce ne serait encore là qu'un début, destiné à stabiliser la situation...



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Une Suisse trois fois trop gloutonne

par Etienne Dubuis

Le WWF prône une diète sévère.

La Suisse vit au-dessus de ses moyens, assure le WWF. Nettement au-dessus. Si tous les habitants de la planète consommaient comme elle et rejetaient autant de déchets, près de trois Terres seraient nécessaires pour répondre à long terme à leurs besoins.

La Confédération n'est pas une exception pour autant. Elle figure au milieu du peloton des pays développés, en compagnie notamment du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Belgique, d'Israël ou du Japon. Des pays qui ont pour caractéristiques d'abriter une très forte densité de population tout en disposant d'une faible biocapacité. Et qui satisfont donc massivement à leurs besoins en recourant à d'autres régions du monde.

Le risque d'épuiser les ressources naturelles a beau être connu depuis longtemps, la situation s'est sensiblement aggravée ces dernières décennies. Ainsi, de 1975 à 2003, l'empreinte écologique de la Suisse a progressé de 39%, selon le WWF. Une évolution à mettre principalement sur le compte de sa consommation d'énergie, qui représente près de 70% de sa ponction totale (dont 15% pour l'énergie nucléaire). L'alimentation de ses habitants, deuxième poste en importance, vient loin derrière, avec 15%. Durant la même période, la biocapacité du pays s'est réduite de 9%, à cause, notamment d'une urbanisation rapide de l'ordre de 1 mètre carré à la seconde.

Chevaux de bataille

Pour réduire cette empreinte écologique, le WWF Suisse travaille actuellement sur trois axes, a déclaré mardi son responsable «Alpes», Walter Vetterli: ce qu'il appelle les «instruments», les collectivités publiques ou privées (entreprises) et les individus.

Le militant a cité quelques-uns de ses chevaux de bataille. Sur le premier front, le WWF est notamment décidé à se battre pour que le prix de l'énergie reflète «les coûts écologiques véritables». Raison pour laquelle il défend une taxe sur le CO2. Sur le deuxième, celui des collectivités, l'organisation mène une campagne de promotion d'un éclairage public plus efficient et une autre en faveur d'une meilleure certification du bois et des produits de la mer. Sur le troisième, les individus, il appelle à des habitudes plus responsables. «Une alimentation végétarienne [...] ou la consommation de légumes régionaux et de saison mobilisent beaucoup moins d'énergie et de ressources ainsi que de surfaces cultivées», rappelle Walter Vetterli.

Quant à l'amélioration de la «biocapacité» du pays, l'écologiste y croit mais il estime que «les possibilités [...] restent assez modestes dans le secteur agricole et éventuellement forestier». Et de défendre une «utilisation parcimonieuse du sol», qui l'amène à condamner la construction d'un certain type d'infrastructures, à commencer par «de nouvelles destinations touristiques de sport d'hiver construites «de toutes pièces» dans les Alpes».


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Eau et biodiversité

par Etienne Dubuis


Outre l'empreinte écologique, le rapport du WWF s'attache à décrire l'état des ressources en eau et de la biodiversité sur la planète.

Le document affirme que la consommation d'eau a doublé entre 1960 et 2000, augmentation qu'il attribue à la multiplication par deux de la population mondiale dans ce même laps de temps. Avant de s'inquiéter du fait que, dans de nombreuses régions du monde (tels l'ouest des Etats-Unis ou le nord de la Chine), les prélèvements sont nettement supérieurs à la disponibilité de la ressource.

Le rapport décrit par ailleurs l'état de la biodiversité en utilisant un indice, appelé «Planète Vivante», basé sur les évolutions de 1313 espèces et de 3600 populations de vertébrés. Sa conclusion est, sans surprise, que le nombre d'individus est en baisse dans les trois grands milieux retenus, la terre, la mer et l'eau douce.

Le rapport est accessible sous
http://www.wwf.ch/fr/index.cfm

Sources Le Temps

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Planète en danger

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