Le changement climatique relance l'atome

Publié le par Adriana Evangelizt




La raréfaction du pétrole et la crise climatique ont remis en selle l'énergie nucléaire dans le monde. En France, elle défend sa place, malgré ses handicaps



Le changement climatique relance l'atome



Tétanisé quelques années par les retombées radioactives, morales et politiques de l'accident de Tchernobyl (1986), le monde a redécouvert le nucléaire sous le double effet de la crise climatique et de la raréfaction des énergies fossiles (pétrole, gaz et, dans une moindre mesure, charbon).


Industrie du long terme et des longs délais, le nucléaire avance pourtant à pas lents. En 2008, la puissance des 443 réacteurs existants, autour de 380 000 mégawatts (MW), a même légèrement décliné, et leur part dans la production électrique mondiale stagne autour de 16 %. Les projets sont nombreux (109), mais la crise économique semble en ralentir la concrétisation. Et les 48 réacteurs réellement en chantier ne font que compenser le démantèlement des centrales des années 1960-1970 en fin de vie.


C'est le cas en France, où la construction des deux EPR de 1 600 MW (Flamanville puis Penly) n'est qu'un avant-goût de ce qui serait nécessaire pour compenser à partir de 2015 (ou 2025, si on prolonge l'existant) l'arrêt des plus vieilles tranches. Encore faudrait-il que l'Hexagone, second producteur mondial (63 100 MW), décide de poursuivre sur la voie d'indépendance énergétique héritée du gaullisme. Or, telle est l'intention de la majorité actuelle. Sans renoncer à avancer sur la voie (durable) du Grenelle de l'environnement, elle veut à la fois conforter le rôle mondial d'Areva (seul acteur à contrôler la chaîne allant de la mine d'uranium au retraitement des déchets) et investir dans une filière qui produit 80 % de notre électricité. Avec un argument massue en période d'anxiété climatique : le nucléaire permet au pays d'afficher, avec la Suède, les émissions de gaz à effet de serre (GES) les plus basses de l'OCDE.


L'argument est résumé par la Sfen (Société française d'énergie nucléaire) : « Le nucléaire permet chaque année d'éviter le renvoi dans l'atmosphère de près de 10 % des 26 milliards de tonnes d'émissions annuelles de CO2 anthropique. Soit 2 milliards de tonnes et 4 à 5 si les capacités nucléaires sont raisonnablement développées. » Certes, le secteur électrique est minoritaire dans le cocktail de la production d'énergie. Mais la Sfen relève qu'à lui seul il est à l'origine de 40 % des émissions de CO2 contre 20 % pour les transports et 18 % pour l'industrie. D'où l'apport du nucléaire contre le réchauffement : les pronucléaires ont calculé que si les autres pays adoptaient le « mix énergétique » français (ou suédois), il serait possible d'éviter « le tiers des rejets mondiaux annuels de CO2, soit 7 milliards de tonnes ».


À ce plaidoyer, le camp antinucléaire oppose le sien, que Yann Arthus-Bertrand, dont le film « Home » vient d'accentuer la prise de conscience des enjeux du changement climatique, reprend à son compte. « Le nucléaire n'a pas encore réglé ses quatre points faibles que sont la sécurité, l'acceptation par les populations, la prolifération et la question des déchets. » Le photographe est partisan d'un abandon progressif du nucléaire qu'un grand pays (parmi d'autres) comme l'Allemagne a acté en 2000, sans remettre en cause jusqu'ici ce choix stratégique. Arthus-Bertrand refuse pourtant le dogmatisme des antinucléaires radicaux. « Actuellement, nous ne pouvons nous en passer. Mais nous avons quinze ans pour le remplacer par les économies d'énergie et les énergies durables. »


Dans les cercles spécialisés, la controverse est rude pour savoir si un « mix énergétique » sans nucléaire est envisageable. Les besoins croissants d'un monde à bientôt 9 milliards d'habitants et les limites inhérentes aux autres énergies incitent à répondre non. Mais les partisans du oui persistent. « Le nucléaire, qui dépend d'un uranium fossile et rare, n'est pas renouvelable comme on veut le faire croire », disent-ils. « Et pourquoi limiter le champ du renouvelable à l'hydraulique, au solaire, à l'éolien, alors qu'il y a tant de pistes à explorer : géothermie, énergie des houles, biomasse, et bien sûr les économies d'énergie ? » demande la députée verte Michèle Rivasi.


Reste qu'un rapprochement des points de vue est perceptible. Chez les antinucléaires modérés, on a fini par admettre son rôle, au moins provisoire, dans la limitation des rejets de GES. De leur côté, les partisans de l'atome sont devenus plus modestes. « Sans nucléaire, explique la Sfen, la solution n'apparaît pas, mais, la clé du problème, c'est le cumul avec les énergies renouvelables. »

Sources
Sud Ouest

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Nucleaire

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